Articles « Le Parisien du 22/01 »
(1) Réforme du bac : la révolution du «grand oral»
Un rapport qui doit être remis mercredi au ministre de l’Education nationale esquisse les contours du nouveau baccalauréat qui entrera en application en 2021. Principale nouveauté : un « grand oral » comptant pour 30 % de la note finale.
Comment « restaurer la crédibilité » du bac, principal objectif affiché par le gouvernement pour réformer l’examen phare du système scolaire ? Pierre Mathiot, ancien directeur de Sciences-po Lille missionné pour réfléchir à la question, a trouvé un totem pour soutenir le vieil édifice du bachot : celui de la parole solennelle.
A partir de 2021, tous les candidats au bac général et technologique devraient passer un « grand oral », comptant pour près d’un tiers de la note de l’examen. Cette épreuve de 30 minutes, sorte de super-exposé devant un jury de trois personnes, devrait porter sur un thème travaillé pendant l’année et mobiliser les connaissances dans une ou deux matières.
Cette proposition figure parmi les principales pistes du rapport, remis ce mercredi par Pierre Mathiot au ministre Jean-Michel Blanquer. L’encre en sera à peine sèche : dimanche encore, des arbitrages étaient encore attendus dans la rédaction du texte, bâti au terme d’une concertation marathon — une centaine d’auditions ont eu lieu en l’espace d’un mois. Les décisions finales ne seront pas connues avant une quinzaine de jours, après un dernier tour de table mais « avant les vacances d’hiver », indique-t-on dans l’entourage du ministre.
Le grand oral, dont le principe semble déjà acté, est dans l’air du temps. Toutes les grandes écoles ont leurs « oraux » d’entrée, et les formations à la prise de parole en public se multiplient, en classe comme dans les entreprises. La gouaille et le verbe font même recette au cinéma : le film « Le brio », qui met en scène une étudiante (Camélia Jordana) formée par son prof de fac (Daniel Auteuil) à l’art du verbe haut, a dépassé le million de spectateurs.
La crainte d’une « usine à gaz »
« C’est sûr qu’un grand oral fait chic, réagit, un brin grinçant, le président de l’association des professeurs d’histoire-géographie, Hubert Tison. Mais nous ne cachons pas nos craintes que cette affaire vire à l’usine à gaz, concrètement, dans les établissements. » Et d’anticiper une épreuve très chronophage qui risquerait selon lui de perturber les cours et désorganiser les lycées. Face aux réticences, Pierre Mathiot aurait, ces dernières semaines,
« un peu révisé à la baisse ses ambitions », assure un responsable syndical, qui précise : « Il était question que des profs de fac soient présents dans le jury. Finalement ce serait plutôt le proviseur ou un CPE, qui apportera le regard extérieur nécessaire. »
D’autres craignent que l’épreuve, en donnant une prime aux langues déliées, ne renforce encore plus les inégalités sociales. « Pour l’instant, la maîtrise de l’éloquence n’est pour ainsi dire pas enseignée et on voit bien que ceux qui s’en sortent sont ceux qui viennent des milieux les plus aisés » constate Inès Bordet, étudiante à Sciences-po, sacrée « championne du monde de débat » en 2015.
Selon le projet Mathiot, la réforme du lycée qui accompagnera la refonte du bac devrait faire une part plus belle à l’expression : en Terminale, 3 heures hebdomadaires pourraient être consacrées à des ateliers de méthodologie, d’aide à l’orientation… et de préparation au grand oral.
(2) Nouveau bac : ce qui change pour les élèves
La réforme du bac n’entrera en vigueur que dans trois ans. Mais les changements qu’elle induit pour toute la scolarité au lycée se feront sentir dès la rentrée prochaine, pour les jeunes qui entrent en Seconde.
C’est une petite révolution qui se profile pour les futurs bacheliers avec l’instauration d’un «grand oral» dès 2021. Mais des changements se feront dès l’année prochaine.
Un lycée modulaire
Selon le projet Mathiot, c’est la fin des trimestres. Comme en fac, l’année sera découpée en semestres et les cours composés « à la carte » par les élèves. Dès le deuxième semestre de seconde, les jeunes pourraient choisir deux enseignements de spécialisation. Puis en 1e et en Terminale, ils opteront pour deux matières « majeures » et deux « mineures », qui donneront une coloration (scientifique, ou économique par exemple) à leur bac, et par la suite à leurs possibilités d’études supérieures. Mais ces couples de « majeures » seront cadrés : on pourra par exemple prendre « maths- physiques » et « lettres-langues », mais pas « lettres-maths ».
La fin des filières L, ES et S
Les « filières » actuelles (littéraire, scientifique ou économique et social) disparaissent donc, de même que la distinction entre bac général et technologique. Tous les élèves assisteront, en plus de leurs spécialités, à un même « tronc commun » de 15 heures en 1e et 12 heures en Terminale, incluant les maths, les langues vivantes, l’histoire-géographie, l’EPS, le français en 1e, et la philosophie en Terminale.Ils suivront aussi des heures consacrées à la méthode et l’orientation (2 heures en seconde, 3 heures ensuite).
Cette nouvelle organisation implique de revoir le contenu des cours: selon nos informations, le conseil supérieur des programmes aurait déjà commencé à s’atteler à la tâche.
Quatre épreuves finales
Les épreuves anticipées de français, en 1e, ne devraient pas changer. Mais en Terminale, la fatidique semaine des écrits du mois de juin va disparaître au profit d’épreuves moins nombreuses et plus éclatées. Une première vague se déroulerait après les vacances de printemps, en avril, avec des écrits dans les deux « majeures » choisies par l’élève. En juin, deuxième galop avec le « grand oral » et une « épreuve universelle » de philosophie, qui garderait ainsi son statut de symbole du bac à la française.
Au total, les épreuves devraient compter pour 60% de la note finale. Les 40% restant seront évalués en contrôle continu mais ses modalités ne sont pas encore tranchées, entre des « partiels » avec copies anonymes en cours d’année, plus égalitaires mais lourdes à organiser, et de simples devoirs sur table en classe.
La fin du rattrapage
Les oraux de rattrapage, pour les élèves ayant obtenu entre 8 et 10/20 aux écrits seraient supprimés. A la place, le jury examinerait le dossier scolaire de ceux qui ont échoué de peu. Il décidera en fonction de ses bulletins et appréciations de leur délivrer, ou pas, les points manquants pour l’obtention du diplôme.